Sexe et politique « Rendez-nous nos Trottoirs »

En fouillant dans mes archives, je suis tombé sur le documentaire « Rendez-nous nos trottoirs », un film que j’avais réalisé en mars 2008 lors de la « Pute Pride » et des Assises de la Prostitution. On entend souvent les voix des mouvements abolitionnistes et prohibitionnistes, mais plus rarement celles des personnes concernées. Si le film date de 2008, je pense que les choses ne se sont pas améliorées pour autant en France. La prostitution n’y est pas interdite, mais le racolage passif est condamné depuis l’article L50 de la loi de sécurité sous Sarkozy. De même, depuis les socialistes, la pénalisation des clients des travailleuses et travailleurs du sexe est entrée en vigueur.

Bien évidemment, il faut pouvoir apporter protection et soutien aux personnes les plus vulnérables. Il est vital de lutter contre l’esclavage, le proxénétisme et la traite des êtres humains, mais dénier la diversité et la complexité des situations revient à clore les débats sans jamais apporter de réponse, ni à ce qui est dénoncé, ni à ce qui est masqué. Toutes et tous les travailleurs du sexe ne sont pas des victimes, certain.e.s choisissent volontairement cette voie pour les raisons qui les concerne. Or, on aime bien stigmatiser et hiérarchiser les individus. « Être une pute, c’est la pire chose qui soit pour une fille ». « Non je ne souhaite pas que ma fille soit prostituée ». Il y a beaucoup d’hypocrisie concernant le sujet. En fonction de l’angle sous lequel on l’aborde, on est taxé de passeurs ou de moralisateurs. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’évoquer la question des assistant.e.s sexuelles, bizarrement, ça devient plus nuancé. Les personnes qui ont recours aux services des travailleuses et travailleurs du sexe le font pour des raisons qui leurs sont propres, et s’ils en viennent à cela, c’est peut-être parce que le monde utopique de la gratuité que certain.e.s scandent est peut être aussi discrimant. On n’est pas tous égaux dans l’univers de l’affection.

En France, on aime régler les problèmes en les cachant. « S’il n’y a plus de prostitué.e.s dans les rues, alors la prostitution n’existe plus ». Ce raisonnement est simpliste. De même, certaines villes ont voulu bannir les SDF des bancs publics en déployant des efforts indignes de l’humain. Ces procédés sont inhumains et avilissants. Ils ne règlent rien, ils compliquent tout. On n’aime pas lutter contre la précarité, alors on lutte contre les précaires. Et pourtant, au lieu de s’assoir autour d’une table, et de discuter sincèrement de tout ce qui fâche afin de trouver des solutions qui conviennent aux pro-sexe comme aux abolos, on prend des décisions tirées par les cheveux, on arrose de subventions les mouvements pudibonds pour acheter leur silence, on se tait sur les réels problèmes et le tour est joué. La politique politicienne à la française dans toute sa splendeur. En parallèle, l’État taxe les putes : il ne faudrait pas qu’il manque un centime dans la caisse collective. Il faut toujours participer à l’effort national, même si cette belle nation te crache à la gueule quand elle s’est bien servie.

Plutôt que de discourir, je préfère laisser la parole, aux premières et premiers concernés. Ce sont leurs mots et leurs combats. Il y a longtemps que j’ai quitté cet univers, je n’ai aucune légitimité à titre personnel. Bonne projection.

Publié par Frédéric Adam-Foucault

Artiste queer pluridisciplinaire, mon premier roman « Insère toi » a été publié en 2016 au Québec. J'en publie en septembre 2021 une nouvelle version, revue et corrigée, sous le titre « L’instant X » ainsi qu'un second roman "L'explosion des secrets" par l'intermédiaire de la société d'édition que j'ai fondé : "Les éditions de la Trémie". J'ai réalisé des courts métrages de fiction « Un autre sexe », « Bareback orange » ou « Les noces de Frida ». Clubbeur, j'ai aussi réalisé de nombreuses vidéos interview de DJs à Paris, ou des documentaires des milieux associatifs et militants. Bloggeur assidu sur Bloggay.com, je me suis beaucoup exprimé sur les luttes des sexworkers, la sexualité ou la pornographie entre 2006 et 2010 et j'ai repris la plume sur le blog « le plaisir de l’encre » ou je partage mes lectures, mes sorties culturelles, et parfois mes opinions. Comédien et Artiste de cabaret (« La famille Von Meek Hauze » ou « Lady PatoutaFée »), je suis aussi Auteur et Chanteuse du groupe « Mauvais-Genre ». Le corps est un vecteur d’expressions, tout comme la plume est le plus beau médium à exploiter.

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